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Les casques réfrigérants :

Garder ses cheveux en chimiothérapie, oui, c’est possible!

À quoi pense-t-on tout de suite lorsque l’on voit une femme chauve? Au cancer, évidemment. Cette étiquette de « patiente cancéreuse », je ne voulais pas la porter. Je ne voulais pas voir la pitié dans les yeux des gens, la peine dans les yeux de mon amoureux, la peur dans les yeux de mes enfants à chaque regard.

Pourtant, avec un cancer du sein stade 3 grade 3, la chimiothérapie était inévitable si je voulais vivre : 4 traitements de AC suivis de 12 de Taxol, sur 6 mois. Et ces mots terribles ont été prononcés : « Il est certain que vous allez perdre tous vos cheveux après le premier traitement ».

Mes jumelles avaient alors 7 ans et mon fils 3 ans. J’avais une carrière passionnante, un mari aimant et la vie de mes rêves. Je n’avais aucun facteur de risque : sportive, mode de vie sain, aucun cancer féminin dans la famille, équilibrée, épanouie et heureuse. Ce diagnostic à 40 ans, c’est comme si la foudre m’avait frappée : inattendu, improbable, injuste.

Puis cette information qui a tout changé : la technique des casques réfrigérants permettant de garder ses cheveux. Il s’agit de porter des casques de gel réfrigérés à une température très froide avant, pendant et après le traitement de chimiothérapie. Le fait de refroidir ainsi les follicules des cheveux provoque une vasoconstriction qui permet de limiter la quantité de toxines de chimiothérapie qui pourra les atteindre.

J’en ai tout de suite parlé avec mon oncologue qui m’a dit : « je ne crois pas que ça va bien fonctionner avec le AC, mais vous pouvez tenter le coup ». Je me suis dit que même en cas d’échec, je n’aurais pas le regret de ne pas avoir essayé.

J’ai donc loué des casques réfrigérants et enrôlé mon mari dans le projet. Premier jour de chimiothérapie, tout ce protocole a monopolisé notre attention, laissant moins de place à la panique. Nous avions quelque chose à faire, des instructions strictes à suivre, un horaire réglé au quart de tour, et surtout de l’espoir et du contrôle sur quelque chose dans ce plan de traitement si déstabilisant.

Quelle fierté de me présenter à mes rendez-vous et à mes traitements suivants avec mes cheveux, semaine après semaine, pendant 6 mois! C’était toujours la surprise chez le personnel hospitalier, et chez les autres patients, bien intrigués par notre immense glacière fumante d’émanations de glace sèche et par notre travail d’équipe incessant.

Oui, j’en ai perdu des cheveux : environ 45 % de mon volume initial de l’avis de mon coiffeur. Même si je voyais bien ma perte de volume et les zones plus dégarnies, j’ai développé plusieurs trucs qui camouflaient assez la chose pour passer inaperçue : personne n’aurait pu deviner que j’étais en chimiothérapie. La sensation d’avoir mes cheveux autour de mon visage, sur mes épaules, dans mon dos… c’était précieux! Je me suis prise à adorer le vent qui me rabattait les cheveux sur le visage, dans la bouche, dans les yeux, pour me rappeler cette première victoire dans mon parcours oncologique.

En arrêt de travail pour la durée des traitements, j’ai continué à m’entraîner régulièrement, sans que personne au gym ne remarque la différence. J’ai accompagné des sorties scolaires avec d’autres parents qui ignoraient mon diagnostic. J’ai fréquenté les parcs, les musées, les spectacles et les fêtes sans susciter le malaise et la pitié. J’ai choisi à qui je voulais en parler. Et j’ai continué à vivre, tellement que j’oubliais souvent que j’étais en chimiothérapie. J’ai même un jour oublié d’aller faire ma prise de sang pré-chimio tant je vivais à fond mon quotidien!

Sans le rappel constant que l’alopécie aurait été, l’anxiété, la sensation d’être malade, la peur et la détresse prenaient souvent congé. Ces moments de normalité, cette image de moi-même préservée nous ont permis, surtout à mes enfants, mon mari et moi, de vivre cette épreuve avec moins d’intensité, des pauses de « drama » salutaires, un sentiment de contrôle et ce, en toute intimité.

Je me suis demandé sans cesse pourquoi j’avais ce cancer, pourquoi moi, pourquoi si jeune : POURQUOI? J’ai longtemps cherché, mais je n’ai pas trouvé. Puis j’ai réalisé que je n’aurais jamais de réponse. Alors je me suis dit qu’à défaut de pouvoir trouver un sens à tout ça, je pouvais y donner un sens.

C’est alors que j’ai eu l’idée de faire connaître la technique des casques réfrigérants au plus grand nombre de gens possible. Si ces casques m’avaient été si utiles, ils pouvaient certainement l’être pour d’autres. Je trouvais déplorable que personne n’en parle. C’est ainsi qu’est né la Fondation Garde tes cheveux, un organisme de bienfaisance enregistré ayant pour mission d’aider les patients de chimiothérapie qui le souhaitent à garder leurs cheveux pendant les traitements et, bien sûr, de faire connaître la technique des casques réfrigérants et de former les cliniciens et les organismes partout au Québec.

Depuis sa création, la Fondation Garde tes cheveux a informé et accompagné plusieurs centaines de patientes (et même deux patients!) de chimiothérapie pour leur permettre de garder leurs cheveux, plusieurs avec d’encore meilleurs résultats que les miens!

L’usage des casques est de plus en plus répandu, un peu partout au Québec, et nous formons des équipes en milieu hospitalier et des organismes, des précurseurs avec de la vision et de la passion, qui veulent comprendre la technique pour en faciliter l’usage dans leur centre d’oncologie. La section Pour les professionnels de la santé de notre site Web leur est destiné.

Si le cœur vous en dit, aidez-nous à changer le visage du cancer, un cheveu à la fois : visitez gardetescheveux.org pour plus d’information.

Sophie Truesdell-Ménard, Présidente et fondatrice de la Fondation Garde tes cheveux